Simon Hantaï, figure majeure de l'abstraction gestuelle et du pliage pictural, est une référence incontournable dans le paysage artistique du XXe siècle. Né en 1922 à Bia, en Hongrie, son parcours artistique a été marqué par une quête incessante de nouvelles formes d'expression, influencée par ses études à l'École des beaux-arts de Budapest et son installation à Paris en 1948.

Dans la capitale française, Hantaï s'est plongé dans la scène artistique vibrante de l'époque, s'inspirant des surréalistes et des artistes gestuels de renom. En décembre 1952, à l'aube de ses 30 ans, Simon Hantaï a déposé anonymement un tableau sur le pas de la porte d'André Breton avec l'inscription : « Regarde-moi dans les yeux. Je te cherche. Ne me chasse pas. » Peu après, il découvrit que Breton avait ouvert sa galerie, l'Étoile scellée, où son œuvre était exposée aux côtés d'une reproduction de la feuille de vigne féminine de Marcel Duchamp.

Lorsque Breton lui demanda qui il était, Hantaï répondit simplement : « Je suis l'auteur du tableau que j'ai laissé devant votre porte. » Cette rencontre fortuite marqua le début d'une amitié entre les deux hommes et propulsa Hantaï au cœur du cercle surréaliste parisien, où il expérimenta diverses techniques telles que le collage, le grattage et le découpage. Ses explorations ont abouti à la création d'œuvres saisissantes, peuplées de corps hybrides et de formes étranges, chaque élément ayant une signification profonde, voire ésotérique. Cependant, des tensions sont rapidement apparues entre Hantaï et le groupe surréaliste. En 1954, Hantaï a déclaré que la peinture automatique, telle que pratiquée par Pollock et les Américains, était la véritable nouveauté, contrairement à la « fixation trompe-l'œil des images oniriques ». Breton et les surréalistes ne partageaient pas ce point de vue.

Lorsque Hantaï mit respectueusement fin à sa relation avec Breton dans une lettre datée du 11 mars 1955, sa peinture l'avait déjà éloigné du surréalisme avec une détermination remarquable. L'année 1960 marqua un tournant dans la carrière de Hantaï avec l'introduction du « pliage comme méthode ». Cette innovation, qui devint emblématique de son œuvre, transcendait les limites de la peinture traditionnelle en donnant à la toile une dimension sculpturale unique. Elle consistait à froisser la toile de manière aléatoire avant d'appliquer la peinture uniquement sur les parties accessibles. Le dépliage révélait alors des reliefs et des creux inattendus, les zones non peintes jouant un rôle de plus en plus « actif » dans les toiles des différentes séries qu'il développa tout au long de sa vie.

Grâce au pliage, Hantaï a laissé le hasard guider son processus créatif, dévoilant des compositions d'une beauté saisissante et d'une profondeur inattendue. Sa première série, intitulée « Mariales et Manteaux de la Vierge », rendait hommage aux représentations de la Vierge en majesté, notamment la célèbre « Maestà di Ognissanti » de Giotto, que Hantaï découvrit à Florence en 1948 et dont le manteau bleu-noir intense influença profondément sa vision artistique.

Au fil des ans, Hantaï a appliqué sa méthode à plusieurs séries emblématiques. Les « Catamurons », qui tirent leur nom d'une maison de vacances à Varengeville-sur-Mer, présentent des compositions sombres inscrites dans des carrés clairs, créant un contraste saisissant. Les « Panses », initialement intitulées « Maman ! Maman ! Dits : la Saucisse », en référence à un texte de Michaux, témoignaient de l'humour et de la subversion de l'artiste, explorant la forme des cellules tout en questionnant les frontières entre peinture et sculpture. Les « Études », commencées en 1968, marquèrent un tournant radical dans son travail avec des pliages intégralement recouverts et des peintures monochromes appliquées bord à bord, rompant avec la logique de pliage précédente centrée sur un motif. Les « Aquarelles » et les « Blancs » offraient des explorations plus expérimentales du médium et de la technique, tandis que la série iconique « Tabulas » jouait avec les rythmes et les espaces pour créer une interaction dynamique entre les espaces pleins et vides, offrant une réflexion profonde sur la matérialité de la peinture.

Comme l'a noté Daniel Buren, qui a rencontré Hantaï en 1961, il pliait et peignait « à l'aveugle », laissant délibérément le hasard faire son œuvre. « Il ne sait jamais, après avoir manipulé sa toile pliée, ce qui va apparaître au moment du dépliage. » C'est cette dimension imprévisible et fascinante qui confère à l'œuvre de Hantaï son caractère unique et sa beauté.

L'œuvre de Simon Hantaï a été largement célébrée à travers d'importantes rétrospectives, notamment au Centre Pompidou en 2013 et à la Fondation Louis Vuitton en 2022, marquant le centenaire de sa naissance. Tout au long de sa vie, Simon Hantaï a été soutenu par Jean Fournier et sa galerie éponyme. Depuis 2019, la galerie américaine Gagosian représente sa succession et organise de nombreuses expositions en l'honneur du peintre, notamment à Paris, New York et Rome.