Maurice Estève

Maurice Estève

Maurice Estève, l'un des artistes les plus influents de la première génération de peintres non-figuration post-Seconde Guerre mondiale, est né en 1904 à Culan, dans le Cher. Élevé à la campagne par ses grands-parents paysans, ses souvenirs d'enfance ont nourri son œuvre tout au long de sa carrière.

À l'âge de neuf ans, Estève rejoint ses parents à Paris, où il découvre seul le Louvre. Ce fut un tournant décisif : les œuvres de Corot, Delacroix, Chardin et Courbet le fascinent, en particulier "La Bataille de San Romano" de Paolo Uccello, dont une reproduction orne encore aujourd'hui son atelier.

Après la Première Guerre mondiale, il est de retour à Paris. Son père, opposé à sa vocation artistique, le place comme apprenti dans une fabrique de meubles. Malgré les objections paternelles, Estève commence à peindre avec une aisance remarquable.

En 1923, il passe un an à Barcelone en tant que dessinateur de tissus, se familiarisant avec l'art catalan. De retour en France, malgré les difficultés matérielles, il se consacre à sa passion. Il fréquente les académies libres de Montparnasse mais se forme principalement en autodidacte, étudiant les œuvres de Poussin, Fouquet et Cézanne, qu'il considère comme une source d'inspiration constante.

Au fil des années, Estève explore diverses influences artistiques, passant du naturalisme aux tentations fauves, pointillistes et même surréalistes. En 1929, influencé par Fernand Léger, il abandonne l'illusionnisme de la peinture traditionnelle pour une voie plus plastique et inventive. Il développe alors le thème du Couple, utilisant des plans échelonnés et des arabesques sur des surfaces planes animées de couleurs vives.

Estève refuse d'utiliser des esquisses, préférant peindre directement sur la toile sans dessin préalable. "La couleur s'organise en même temps que les formes", disait-il. Cette méthode directe et intuitive devient une caractéristique essentielle de son travail. Il débute aux Surindépendants, où il expose jusqu'en 1938.

Sa première exposition personnelle a lieu en 1930 à la galerie Yvangot, attirant l'attention de l'historien du cubisme Maurice Raynal. En 1933, il commence à peindre des formes-couleurs dominées par le vert, orchestrées par des jeux d'ombre et de lumière. La fin des années 1930 voit l'introduction de lignes en spirale et de dominantes de bleu et de rouge dans son travail, témoignant d'une évolution stylistique significative.

En 1937, Robert Delaunay sollicite son aide pour la décoration des pavillons de l'aviation et des chemins de fer pour l'Exposition universelle de Paris. Cette période marque une maîtrise remarquable de la composition, où figures et objets se répondent harmonieusement.

Juste avant la Seconde Guerre mondiale, Estève installe son atelier à Montmartre et se consacre à des sujets domestiques. Son tableau "Hommage à Cézanne" (1942) est un véritable hymne à la couleur et participe à diverses expositions collectives.

En 1942, il signe un contrat d'exclusivité avec la galerie Louis Carré, lui permettant de se consacrer pleinement à la peinture. Cette période est marquée par l'influence des peintures romanes et de Bonnard, avec un retour au paysage, peint de mémoire ou d'imagination.

Dans les années 1950, Estève réintègre la figure humaine avec une série de tableaux célébrant les métiers artisanaux, tels que "Le Peintre", "Le Sculpteur" et "Le Tisserand". Cette série souligne l'accord profond entre l'artisan et son outil, dans une composition vibrante de couleurs vives.

Estève continue d'explorer de nouvelles formes d'expression artistique, notamment l'aquarelle, le dessin et le collage. Ses aquarelles, présentées dans diverses expositions, montrent une mutation similaire à celle de sa peinture, avec des couleurs transparentes et une composition fluide.

Avec les années, l'œuvre d'Estève gagne en grandeur et en complexité. La rigueur de la composition s'allie à une souplesse croissante des couleurs, créant des œuvres lumineuses et dynamiques. Ses expositions personnelles et collectives en France et à l'étranger, notamment à Bâle, Düsseldorf, Copenhague et Oslo, témoignent de son influence durable dans le monde de l'art.

Maurice Estève décède en 2001, laissant derrière lui un héritage artistique riche et diversifié, célébré dans de nombreuses rétrospectives et expositions à travers le monde. Sa capacité à fusionner forme et couleur dans une harmonie parfaite continue d'inspirer et de fasciner les amateurs d'art.

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